Pour la première fois, le projet de loi qui figure au menu du conseil des ministres ce mercredi 3 août porte le concept d’égalité réelle entre les outre-mer et l’hexagone qui a été imposé dans le débat public et au président de la république par le Conseil Représentatif des Français d’outre-mer (CREFOM) grâce à un lobbying mené depuis 2014 par son président Patrick Karam malgré les réticences du gouvernement face à son coût prévisible.
Le président du CREFOM tient à saluer cette ambition et relève des éléments positifs dans le texte de loi mais aussi des carences, des incertitudes et des flous qui doivent être impérativement levés sous peine de faire de cette grande ambition collective une simple opération de communication politique.
Le président du CREFOM se déclare satisfait de la déclaration liminaire qui reprend l’argumentaire qu’il avait développé à l’occasion des diners du CREFOM ainsi que l’article 1 qui fixe le cap en reprenant mot pour mot la proposition du CREFOM indiquant que dans un objectif « d’égalité réelle » « la réduction des écarts de développement entre l’outre-mer et l’hexagone est une priorité de la nation ». Cet objectif est essentiel pour remettre l’outre-mer en marche mais elle doit s’accompagner de véritables outils de développement et de moyens pour la mettre en oeuvre.
De même, le fait que les territoires d’outre-mer relevant de l’article 74 de la constitution (et pas seulement les 4 DOM historiques et Mayotte) soient également concernés par l’égalité réelle comme l’avait plaidé le président du CREFOM, considérant que la nécessité d’égalité est supérieure aux différences institutionnelles, est un autre motif de satisfaction.
En outre, conformément aux exigences du CREFOM, la définition des politiques publiques devant se traduire dans des contrats territoriaux est négociée par l’Etat avec chacune des collectivités ultramarines et pas imposée unilatéralement par l’état comme cela le fut trop souvent dans le passé. Reste à voir les moyens financiers et les outils fiscaux que l’état consentira à mettre en place pour réaliser cette grande ambition.
Enfin la durée de ces plans, une génération tout au plus demandée par le CREFOM est précisée comme devant se situer entre 10 et 20 ans.
Ces éléments sont des premiers pas positifs et le CREFOM tient à en féliciter la secrétaire d’état à l’égalité réelle, Ericka Bareigts, son ancienne vice-présidente déléguée et son président d’honneur, le député en mission sur la question, Victorin Lurel.
Le président du CREFOM émet en revanche des réserves sur les écueils de ce texte qui pourraient le rendre totalement creux et inapplicable si des correctifs n’étaient pas apportés à l’occasion de la discussion parlementaire.
Ce texte ne saurait être une simple opération de communication politique et à la veille des présidentielles, une loi à visée électoraliste dont le but unique serait de peser sur les élections avec le risque qu’elle soit condamnée par la prochaine majorité issue des urnes.
Patrick Karam demande donc instamment au gouvernement de s’abstenir de toute récupération politicienne qui condamnerait ce texte. De ce point de vue, l’élimination du rôle de la société civile dans l’absence de toute mention du CREFOM et de son président dans l’exposé des motifs est un mauvais signal.
Ensuite, les dispositifs attrape-tout laissent le sentiment de vouloir masquer certaines faiblesses du texte par une profusion de thématiques, mais qui n’ont pas forcément leur place dans une loi-cadre destinée à changer durablement et radicalement la vie de nos compatriotes ultramarins et dont l’ambition est de succéder à la loi sur la départementalisation de 1946. De plus, la philosophie du texte n’est pas clairement perçue. Or après l’égalité civique liée à la fin de l’esclavage en 1848, l’égalité politique avec le passage de colonies en départements et collectivités d’outre-mer en 1946, l’égalité sociale avec l’alignement des prestations sociales en 1986, l’égalité réelle au niveau économique et social entre les outre-mer et l’hexagone reste la dernière des avancées à atteindre.
Par ailleurs, s’agissant des bases qui permettraient d’évaluer le chemin parcouru, la multiplication des critères est de nature à entretenir un flou sur leur opérationnalité. Or les articles 2 et 3 mentionnent que la réduction des écarts de développement sera mesurée par les nouveaux indicateurs de richesse en application de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015, c’est à dire tout un ensemble de critères qui n’ont pas réellement de valeur opérationnelle et qui peuvent être utilisés et interprétés dans le sens que l’on souhaite. Le CREFOM plaide pour un unique critère d’évaluation afin que la mesure soit opérationnel, simple et réellement incontestable. Le revenu par habitant comme critère d’évaluation semble plus pertinent pour assurer une évaluation sincère et simple et mesurer le chemin parcouru, sans pouvoir donner lieu à des manipulations.
De plus, l’évaluation dont il est prévu qu’elle puisse être réalisée par une autorité indépendante, la CNEPEOM conformément à la demande du CREFOM manque de réalité coercitive faute pour cette autorité de pouvoir rappeler à l’ordre le gouvernement en cas de retard dans les plans de développement et d’outils pour sanctionner une inertie.
Enfin, aucun dispositif n’est prévu pour rendre cette loi et ce processus inéluctable et rendre impossible un retour en arrière.
Le président du CREFOM, Patrick Karam, prendra l’attache du gouvernement dans les prochaines semaines afin d’apporter les correctifs nécessaires pour faire rentrer cette loi dans l’histoire des outre-mer, et les outre-mer dans la modernité économique.